Source https://www.lapresse.ca/debats/votre-opinion/201601/19/01-4941478-encore-la-musique.php
Ils se prénomment Lucas et Émile. Le premier est dyslexique, le deuxième a un déficit de l’attention avec hyperactivité. Des élèves semblables, j’en côtoie régulièrement.
Il est souvent plus difficile pour eux de réussir à l’école, car ils naviguent dans un système éducatif qui ne répond que partiellement à leurs besoins. Comment les accrocher ? Par la musique, j’y suis parvenu.
Cela est loin d’être anecdotique, puisqu’il existe de nombreuses évidences scientifiques démontrant que l’éducation musicale peut bonifier les apprentissages scolaires, tant au primaire qu’au secondaire. La majorité des spécialistes en musique vous raconteront des expériences similaires à la mienne.
Néanmoins, elles sont souvent peu considérées lorsque vient le moment d’élaborer la grille horaire dans leurs écoles. En fait, chaque mois de janvier, la même histoire se répète. Des enseignants titulaires déploient leur suprématie. Des cliques se forment. La place de la musique à l’école est débattue. Certains titulaires mettront en avant-plan l’importance d’accorder plus de temps aux matières de base (lecture, écriture, mathématiques), d’autres argumenteront en faveur de l’activité physique, des programmes d’anglais intensif, et j’en passe.
La musique écope. Comme si elle était une matière de second rang.
Pourtant, n’existe-t-il pas une compétence professionnelle exigeant de comprendre les différents savoirs à enseigner (disciplinaires et curriculaires) de telle sorte qu’il puisse favoriser la création de liens significatifs chez l’élève ?
UNE IMPORTANCE DÉMONTRÉE
En ce sens, plusieurs enseignants doivent prendre conscience de l’importance de l’enseignement de la musique à l’école et de sa contribution au développement de l’enfant. Les recherches menées au cours des dix dernières années l’indiquent clairement. Il a notamment été démontré que de nombreuses fonctions exécutives, dont l’attention sélective, la flexibilité cognitive, les habiletés de planification et d’organisation peuvent être significativement améliorées par l’apprentissage de la musique. Les enfants dont les fonctions exécutives sont mieux développées apprendraient plus facilement à lire, à écrire et à compter.
On relève également l’importance notable de l’apprentissage de la musique sur le développement des capacités mnésiques (mémoire sélective, mémoire audioverbale). Ils s’avèrent que ces dernières ont aussi un impact dans tous les autres domaines du programme scolaire.
En outre, la recherche a mis en exergue l’influence de l’apprentissage de la musique sur le développement moteur de l’enfant et de l’adolescent. Au primaire, le mouvement est au coeur des trois compétences disciplinaires. Au secondaire, la pratique d’instruments entraîne également un développement psychomoteur hautement défini.
Qui plus est, par l’expérience esthétique qu’elle encourage, l’éducation musicale aide l’enfant à construire sa compréhension du monde. La pratique collective de la musique mènerait à un changement marqué des représentations des rôles sociaux, souvent à la source de l’intimidation et des rejets. Les initiatives propres aux programmes El Sistema à travers le monde en sont une preuve concrète.
Cette année ne fera pas exception. Elle en sera une où plusieurs spécialistes en musique devront encore se battre pour faire valoir sa place dans leur école. Pourquoi ? Parce que plusieurs titulaires ne reconnaissent pas son importance. Pourtant, la recherche a grandement démontré son impact.
L’éducation musicale est tout sauf accessoire. Elle permet de créer des liens interdisciplinaires entre les matières en plus de bonifier les savoirs autant sur les plans cognitif, langagier, moteur, social et affectif. La musique doit être au coeur des apprentissages. Pensez un brin aux Lucas et Émile de votre école.